Du bout des lèvres

Les lèvres. Bien sûr, elles servent à embrasser. Mais aussi à boire, auquel cas il faut les tremper. À écouter, en s’y suspendant avec exaltation. Parce qu’elles traduisent toutes sortes de sentiments. L’attente, l’inquiétude ou le regret; pour cela mordillez la lèvre inférieure. L’incertitude, en fripant la lèvre supérieure. La peur, la colère, l’indignation, le désarroi; il suffit de les faire trembler ou de se les mordre. Le dépit, le dégoût, l’ironie, l’amusement, par l’ambiguïté des plis.

Le mot est issu du latin labra, pluriel neutre de labrum « lèvre, bord ».

Elles viennent par deux, désignant chacune des parties charnues et colorées qui bordent l’extérieur de la bouche (ou de la gueule des animaux) et qui, chez l’humain, s’amincissent pour se joindre aux commissures : lèvres rouges, lèvres bleues, lèvres gonflées, lèvres mouillées, lèvres gercées.

En anatomie, elles décrivent le relief allongé à deux versants qui borne un orifice ou une gouttière : lèvres anales, lèvre du fémur. Le repli cutané qui borde de chaque côté le vestibule de la vulve : grandes lèvres, petites lèvres.

Siège de mimiques expressives par leurs formes ou leurs mouvements, elles révèlent un caractère, un état physique ou affectif : lèvres ardentes, brûlantes, dédaigneuses, gourmandes, moqueuses, rieuses, entrouvertes, frémissantes, tremblantes. Inspirant une phraséologie foisonnante: avoir le sourire aux lèvres, manifester sa joie, sa satisfaction; se lécher les lèvres en signe de plaisir ou de gourmandise; s’en mordre les lèvres, se repentir; pincer les lèvres, par dégoût, dépit, réprobation; avoir le cœur sur les lèvres, être près de vomir; manger (ou boire) du bout des lèvres, sans appétit; poser un doigt sur ses lèvres, demander le silence; lire sur les lèvres, deviner les propos; du bout des lèvres, avec réticence; être sur toutes les lèvres, être le sujet de toutes les conversations.

Par analogie, en architecture, le mot désigne le rebord des chapiteaux corinthiens; en botanique, le calice des plantes labiées; en géologie, les deux parois d’une faille; en musique, chacun des bords aplatis de l’extrémité d’un tuyau d’orgue; en céramique, le rebord d’un vase; en technologie, la partie mince de la jointure d’une pièce : lèvre d’un joint d’étanchéité.

 

Devoir

Quel mot, vieilli ou littéraire, désigne une lèvre inférieure anormalement gonflée et proéminente?

Li _ _ _.

Réponse

Lippe. Le mot est emprunté au moyen néerlandais lippe « lèvres », repris par l’allemand Lippe et l’anglais lip.  L’expression faire la lippe signifie « bouder ». Au Québec, lipsing, emprunt direct à l’anglais lip-sinc, décrit l’interprétation mimée d’un enregistrement.